Le président français, Emmanuel Macron, a appelé vendredi à regarder le passé colonial français « avec courage » et à rechercher « la vérité » plutôt que la « repentance », au deuxième jour de sa visite officielle en Algérie qui a déjà permis de relancer la relation bilatérale.
En visitant le cimetière européen Saint-Eugène, le principal d’Alger du temps de la colonisation française, il a déposé une gerbe au pied du monument aux « morts pour la France », avant que le chœur de l’armée française n’entonne la Marseillaise.
Ensuite, au milieu des pins et cyprès, il a longuement déambulé dans les secteurs chrétien, militaire et s’est particulièrement attardé dans le carré juif où repose l’acteur metteur en scène Roger Hanin. A sa sortie, il a abordé de nombreux sujets devant la presse, en particulier le délicat dossier mémoriel qui avait causé une grave brouille à l’automne dernier avec Alger.
En scellant leur réconciliation jeudi, M. Macron et son homologue, Abdelmadjid Tebboune, ont annoncé la création d’une commission mixte d’historiens « pour regarder ensemble cette période historique » du début de la colonisation (1830) jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance (1962).
C’est la deuxième fois que M. Macron se rend en Algérie en tant que président, après une première visite en décembre 2017. Les relations entre les deux pays étaient alors au beau fixe avec un jeune chef d’Etat, né après 1962, qui avait qualifié avant son élection la colonisation française de « crime contre l’humanité ». Mais elles avaient tourné court, rattrapées par des mémoires traumatisées par 132 ans de colonisation, une guerre sanglante et le rapatriement douloureux d’un million de Français d’Algérie.
« J’entends souvent que, sur la question mémorielle, nous sommes sommés en permanence de choisir entre la fierté et la repentance. Moi, je veux la vérité, la reconnaissance (car) sinon on n’avancera jamais », a-t-il complété vendredi.
Aux jeunes Algériens et aux jeunes Africains en général, il a aussi lancé une mise en garde contre « l’immense manipulation » de réseaux sociaux téléguidés « en sous-main » par des puissances étrangères qui présentent la France comme l’ennemie de leur pays, en citant tour à tour la Turquie, la Russie ou la Chine.
« Jusqu’au milieu de la nuit »
Le président français a aussi été interrogé sur le dossier sensible des visas, dont Paris avait divisé le nombre par deux à l’automne 2021 arguant d’un manque de coopération d’Alger dans les expulsions d’indésirables. M. Macron et M. Tebboune en ont discuté « jusqu’au milieu de la nuit » de jeudi à vendredi et ont mandaté leurs ministres pour le faire « avancer dans les prochaines semaines », selon M. Macron.
L’idée est de « lutter ensemble contre l’immigration clandestine » tout en ayant « une approche beaucoup plus souple sur l’immigration choisie », a-t-il dit, en citant « les binationaux, les artistes, les sportifs, les entrepreneurs et politiques qui nourrissent la relation bilatérale ». Alors qu’il avait été appelé avant sa venue à « ne pas occulter » à Alger la « dégradation des droits humains dans le pays », M. Macron a dit avoir abordé le sujet avec le président Tebboune « avec beaucoup de liberté ».
M. Macron a dit avoir parlé de « cas que nous connaissons » et préconisé « la transparence, les libertés politiques et leur respect ». « Je sais qu’il y est sensible (..) qu’il est attaché à cela. Ces cas se règleront en plein respect de la souveraineté algérienne », a assuré M. Macron.
A propos du gaz algérien qui suscite toutes les convoitises, M. Macron s’est défendu d’être « allé à Canossa » pour en quémander en Algérie, soulignant son faible poids dans le mix énergétique français (environ 20%). Il a au contraire « remercié l’Algérie » d’avoir accru ses livraisons via le gazoduc Transmed à l’Italie, ce qui permet d’« améliorer la diversification de l’Europe », auparavant trop dépendante du gaz russe pour ses approvisionnements.
Toujours sur les dossiers internationaux, il a plaidé pour « renforcer le partenariat avec l’Algérie » dans la lutte contre la menace terroriste au Sahel. Il s’agit notamment d’« éviter que des mercenaires puissent fleurir dans la région, en particulier ceux de Wagner », a-t-il ajouté, en faisant référence au groupe privé russe actif au Mali, d’où est récemment partie l’armée française.
La Russie est un allié traditionnel de l’Algérie à laquelle elle fournit l’essentiel de son armement.
AFP