Le jeudi 03 novembre, le ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Alphonse Charles Wright, a donné des instructions aux procureurs généraux près les cours d’appel de Conakry et de Kankan afin qu’ils engagent des poursuites judiciaires contre l’ancien président, Pr Alpha Condé et une centaine de personnalités de son régime, pour des faits de corruption, de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite. Même des personnes décédées se retrouvent sur la liste des personnes à poursuivre. Lamine Condé, juriste de formation, a cru devoir se prononcer sur ce sujet qui fait débat.
« Suite à la poursuite déclenchée contre les dignitaires de l’ancien régime, il est important d’apporter quelques précisions en termes de poursuite des personnes décédées.
En effet, l’action publique qui est en vue d’être mise en mouvement est celle exercée au nom de la société pour faire constater par le juge pénal compétent les faits faisant l’objet de poursuite dans des délais raisonnables. Elle vise à établir la culpabilité ou l’innocence des personnes poursuivies, et obtenir le cas échéant le prononcé de la sanction prévue par la loi, et ce, en se conformant aux principes d’équité, de respect du contradictoire et de la présomption d’innocence.
Cette action est gouvernée par le principe de la personnalité des peines selon lequel on ne peut condamner une personne pour un fait punissable qu’elle n’a pas elle-même commis.
La nature de la dépendance entre l’action publique et l’action civile est induite par la primauté de l’intérêt public sur les intérêts privés, cela fait que l’action civile est considérée comme l’accessoire de l’action publique. C’est pourquoi l’extinction de l’action publique entraîne en principe corrélativement celle de l’action civile devant les tribunaux répressifs.
La poursuite pénale doit s’arrêter au moment où la personne poursuivie, étant décédée ne peut plus se faire entendre.
Encore une fois, il faut retenir qu’en cas de décès d’une personne, mise en examen, prévenue ou accusée, en vertu du principe fondamental de la personnalité des poursuites, étant présumée innocente, faute d’avoir été déclarée définitivement coupable de son vivant, elle ne peut plus être poursuivie.
Au regard du même principe, aucune poursuite ne peut être engagée à l’encontre des héritiers de la personne poursuivie en raison de la simple filiation qui les lie.
Dès lors, toute poursuite qui n’a pas été menée à son terme doit cesser immédiatement après le décès de la personne poursuivie.
D’ailleurs, Selon une jurisprudence française de mai 2012, la juridiction répressive reste
compétente pour se prononcer sur l’action civile après le décès de la personne poursuivie à condition qu’une décision sur le fond concernant sa culpabilité ait été rendue au moment du décès.
Pour plus de clarté, il faut préciser que l’article 108 de la loi portant lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme évoquée par le Ministre de la Justice sur les antennes de Djoma TV, dispose : «En cas d’extinction de l’action publique par suite de décès de la personne poursuivie, et, sous réserve des droits des tiers de bonne foi, le sort
des biens et valeurs en nature ou en numéraire objet de saisie conservatoire est réglé par le juge competent. Celui-ci reçoit dans un délai de douze (12) mois tout recours exercé sur les biens et valeurs par les tiers de bonne foi.
Au cas où un mis en cause décède en période de gel administratif, la commission consultative de gel administratif saisit sans délai le juge competent du sort des biens et valeurs gelées ayant appartenu à la personne décédée, Le juge reçoit dans un délai de douze (12) mois tout recours exercé sur les biens et valeurs par les tiers de bonne foi ».
Bref, le Ministre de la Justice n’avait aucune raison de faire perdre le précieux temps du peuple de Guinée qui est encore sur sa faim », a indiqué le juriste Lamine Condé.
Etienne Touré