Ousmane Tounkara est journaliste à Hadafo Médias. Dans une tribune publiée dans la presse et intitulée “Les médias bannis par le gouvernement ne le resteront pour longtemps”, il tire la sonnette d’alarme par rapport à la difficile situation dans laquelle évoluent les médias guinéens.
« Depuis près dun mois, les ondes de Fim-fm, dEspace fm, de Djoma fm et dEvasion Fm sont brouillées. Les chaînes de télévision Espace tv, Djoma tv, et Évasion tv sont déconnectées des bouquets Canal+ et StarTimes. Laccès aux réseaux sociaux est également restreint. Tout cela pour des raisons de sécurité nationale, justifie la Haute Autorité de la Communication.
Pour ma part , je suis convaincu que brouiller les ondes , déconnecter les plus grands médias du pays des bouquets Canal + et Star times , et restreindre laccès aux réseaux sociaux, produisent plutôt leffet contraire. Cest de nature à exposer davantage le pays à une trop grande insécurité.
Concernant la restriction de laccès aux réseaux sociaux, le gouvernement, par la voix de son porte-parole, Ousmane Gaoual Diallo, soutient que linternet nest pas un droit. Il a été aussitôt lamentablement démenti par une opinion désabusée par le déni de ce qui est considéré à nos jours comme un droit fondamental.
A propos des médias, aussi, la même voix laisse entendre que le gouvernement attend dêtre officiellement saisi pour les ennuis dont sont victimes les médias.
Rien de tout cela nest étonnant, car les gouvernants actuels de la République de Guinée sont des récidivistes en ce qui concerne le musellement de la presse.
En effet, du 5 septembre 2021 à maintenant, ils ont posé assez dactes contraires aux lois de la République, aux droits de lhomme, à la liberté dexpression, au droit à laccès à linformation etc…
A titre dillustration , si besoin en etait , le ministre de la Justice, Charles Wright a publiquement avoué, sans barguigner, ni sourciller, quil ne sempêcherait pas de mettre un journaliste en prison. Cette obsession est pourtant en déphasage avec la loi L 02 portant liberté de la presse en République de Guinée. Autre exemple , laccès aux sites dinformation générale www.guineematin.com et www.inquisiteur.net a été injustement restreint pendant plus dun mois; et
des journalistes , une vingtaine, qui protestaient contre cette violation grave de la liberté dexpression, ont été empêchés de marcher pacifiquement à Kaloum. Au lieu dencadrer la marche, ces journalistes ont été aspergés de gaz lacrymogène, pourchassés, passés à tabac, blessés et leurs matériels endommagés;
Avec la HAC , aussi, des journalistes sont régulièrement convoqués … la liste est longue.
La haine des autorités actuelles contre les médias est vraiment viscérale. Mais ce nest quun leurre, bien quaucune interpellation, aucune condamnation na fait fléchir ces prédateurs de la liberté dexpression . Il en ont cure des mises en garde des ONG, dont RSF, Amnesty International, OGDH.. jen passe.
Il est important de rappeler aux esprits réfractaires au libre exercice de la presse, quaucune ligne ne va bouger dans ce pays sans les medias. Si cétait possible de brider la presse et se sentir mieux , lancien président Alpha Condé laurait fait , lui qui avait dit quil ny a pas de journaliste en Guinée, oubliant ainsi que cest un jeune guinéen, produit de la faculté de journalisme de luniversité guinéenne, qui a couvert, sans fioriture , aucune , toutes ses campagnes électorales à sa satisfaction. Oubliant également, que cest le même reporter, qui la accompagné dans tous ces déplacements, en tant que Président.
Le même Alpha Condé a affirmé haut et fort quil ne lit pas la presse guinéenne, quil nécoute pas et ne regarde pas les radios et télévisions guinéennes. Pourtant il les conviait à des conférences de presse. Quelles contradictions !
Ce sont-là des exemples parmi tant dautres qui prouvent que le dédain vis-à-vis des médias locaux guinéens est une folie, une mésaventure qui peut être fatale.
Cest donc le bon moment pour réhabiliter les médias bannis, sachant que ce sont les plus puissants, les mieux écoutés et regardés.
Malgre la restriction et lacharnement dont ils font lobjet, cest bien grâce à ces médias bannis que le monde a été informé, dans les détails près, sur lincendie du dépôt dhydrocarbures survenu le 17 décembre 2023, à Kaloum. Ce sont ces médias bannis qui ont permis à leurs bourreaux de communiquer efficacement. Ce sont ces mêmes médias bannis qui ont accompagné la chaîne de solidarité en faveur des victimes de la tragédie.
Cest donc contreproductif, vraiment honteux détrangler la presse en ce 21ème siècle, surtout que sa libération est acquise il y a longtemps au prix dénormes efforts individuels et collectifs.
Dirigeants actuels de la République de Guinée !
Le peuple peut accepter que vous ne construisez rien, parce que ce nest pas votre mission, dailleurs, vous nen avez pas la compétence. Mais déconstruire et remettre en cause des acquis précieux, comme ceux concernant la liberté de la presse, le droit à linformation , est dangereux. Donc abstenez- vous en. Cest un véritable recule.
Quoiquil en soit, cette situation ne restera jamais ainsi.
Vous qui lavez commandité et exécuté; réparez le mal que vous faites à tous ceux qui sinforment à travers ces Radios et Télévisions, à leurs promoteurs, aux employés et à toutes les dispositions des lois, traités et conventions qui encadrent la libéralisation des ondes en République de Guinée.
Si vous ne le faites pas, quelquun dautre déclairé viendra le faire comme si de rien nétait et lhistoire le retiendra.”, a écrit Ousmane TOUNKARA.
Étienne Touré